Projet de mémoires holographiques chez IBM
Holographic memories under development at IBM


par Francis Pelletier
Copyright © 1995 MOSARCA

Cet article a été publié dans le magazine MOS 130.

Comme le serpent de mer, le stockage d'informations mettant en oeuvre des techniques holographiques fait partie de ces thèmes de recherche qui reviennent régulièrement à l'avant-scène de l'actualité sans jamais déboucher sur des produits concrets. Il suffit de peu de choses pour réveiller l'intérêt: un nouveau type de laser ou de nouveaux matériaux. C'est d'ailleurs au vu de découvertes mettant en uvre de nouveaux matériaux qu'IBM a constitué un groupe de recherche qui travaillera en collaboration avec plusieurs grandes sociétés et institutions américaines.


L'aventure des mémoires holographiques est antérieure à celle du disque optique numérique et, bien entendu, à celles du vidéodisque et du Compact Disc. Ces mémoires ont donné lieu à de nombreuses manipulations de laboratoire et ont suscité une kyrielle de brevets d'invention dont certains méritent encore aujourd'hui qu'on y prête attention. Les chercheurs ont testé de nombreux matériaux et techniques en vue d'obtenir sur des média de taille réduite une densité d'informations très élevée, de lire ces informations en quelques microsecondes et de les acheminer vers le demandeur. Les lasers que l'on maîtrise aujourd'hui et les progrès de l'optoélectronique rendent certains de ces rêves réalisables.

Le milieu ou média d'enregistrement demeure le talon d'Achille du stockage holographique. Il doit être à la fois d'une très bonne sensibilité en écriture afin d'autoriser des taux de transfert d'informations élevés et d'une haute qualité optique pour restituer ces données par lecture directe sans dégradation; il doit permettre de conserver le contenu sans perte sur le long terme et offrir des possibilités d'industrialisation permettant de généraliser son usage. De plus, dans certains cas, il doit être réversible pour permettre la mise à jour des informations, comme le font les supports effaçables actuels. La pondération de ces différents éléments pour parvenir à la bonne équation n'a pas encore été trouvée mais elle suscite de nombreuses recherches théoriques et parfois expérimentales.

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Dr. Glenn T. Sincerbox, chercheur au centre Almaden
d'IBM en charge du projet sur les mémoires
holographiques - Photo : © F.P.

Nous avons récemment rencontré le Dr. Glenn T. Sincerbox du centre de recherche IBM d'Almaden (San José, CA) - spécialiste internationalement reconnu du stockage holographique - qui est chargé d'un projet ambitieux au sein d'IBM. Quoique très discret sur les développements actuels et les avancées techniques réalisés au sein de son groupe, le Dr. Sincerbox a bien voulu nous tracer les grandes lignes de son travail. Le regain d'intérêt pour les mémoires holographiques au sein du laboratoire Almaden d'IBM est venu d'un rapport synthétique écrit par M. Sincerbox. Il mettait en évidence le fait qu'il existe aujourd'hui des technologies et des produits épars que l'on peut réunir pour mettre au point un support et un dispositif d'enregistrement/lecture supportant le processus d'industrialisation. De leur côté, d'autres chercheurs d'IBM ont découvert de nouveaux matériaux et des structures optoélectroniques capables de répondre aux exigences techniques.

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Shéma de principe pour un enregistreur/
lecteur de mémoire holographique


Un groupe pluridisciplinaire a été créé au sein d'IBM, puis un consortium américain soutenu par l'ARPA (Advanced Research Projects Agency) a été fondé afin d'élargir les champs d'investigation. Ce consortium réunit, outre le centre Almaden d'IBM, l'université de Stanford, le Stanford Research Institute (SRI), ainsi que les sociétés Hughes, Rockwell et GTE. Son objet est, d'une part, de mettre au point une structure optique ou électro-optique pouvant être utilisée pour le stockage d'informations sous forme holographique et d'autre part, de concevoir un prototype d'enregistreur/lecteur. Ce dernier, baptisé HDSS pour Holographic Data Storage System, était en cours de conception lors de notre rencontre avec le Dr. Sincerbox. IBM devrait le tester au cours du premier semestre 95 pour en valider les possibilités en liaison avec des systèmes informatiques.
L'ambition des industriels américains est d'arriver à stocker environ 500 gigabits par millimètre carré (mm2). Mais en dehors d'une très haute densité d'information, ce qui caractérise ce système est qu'il devrait, dans l'absolu, permettre de transférer les données au débit d'un giga-octet par seconde grâce à la lecture en parallèle de plusieurs canaux. Le temps théorique d'accès aux données serait de l'ordre de la microseconde.
Le premier système de stockage holographique du consortium sera de type WORM. Il sera suivi d'une solution réversible, c'est-à-dire effaçable, qui offrira des possibilités de mise à jour des données. Au delà de la complexité des techniques mises en oeuvre, ce nouveau type de mémoire optique demande le développement de dispositifs particuliers de détection et de correction d'erreurs très puissants compte tenu des débits et de la densité d'information.
Pour l'instant, les mémoires holographiques de nouvelle génération restent encore du domaine du laboratoire, mais cela n'empêche pas des industriels, IBM la première, de planifier une étude approfondie de l'industrialisation de ces mémoires.

Francis Pelletier
© Copyright 1995 MOSARCA
Cet article a été publié dans le magazine MOS 130.


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