Le disque multicouche d'IBM, une voie à suivre
A multilayer optical disk at IBM

par Francis Pelletier
© copyright 1995 MOSARCA

Cet article a été publié dans le magazine MOS 130

Annoncé en mai dernier, le disque multicouche d'IBM a suscité un grand intérêt dans les cercles scientifiques et industriels; et même au delà puisqu'il a reçu le premier prix de l'innovation de la part du magazine américain &laqno;Popular Science». Reste que cette nouvelle génération de DON soulève des interrogations sur ses applications et son industrialisation.


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M. Hal Rosen, chercheur au centre Almaden d'IBM
spécialiste du disque optique multicouches
présentant un prototype de lecteur lors du Comdex'94
Photo: © F.P.


Comme l'a démontré M. Hal Rosen, l'un des responsables du projet chez IBM, lors du Comdex Fall'94, le concept du disque optique multicouche ou ML (pour Multi-Level) d'IBM fonctionne et pourrait être appliqué pour augmenter la densité des média actuels. Cette démonstration a été faite à l'aide d'un lecteur de CD-ROM (12 cm) modifié pour pouvoir relire un disque comptant deux couches et offrant une capacité de 1,2 giga-octets, soit presque deux heures et demie de vidéo MPEG-1. La lecture consécutive de l'une ou l'autre des couches demande une refocalisation du faisceau laser qui ne peut se faire que par une tête optique adaptée. Tout cela a été mis au point par les chercheurs du centre Almaden (San José, CA) et IBM le propose à l'industrie du disque optique sous forme de licence. Dans ce centre, nous avons rencontré le Dr. Wilfried Lenth, responsable des recherches sur les disques optiques, auprès duquel nous avons recueilli les informations suivantes à propos de certains aspects techniques.


Le principe du disque optique ou du CD-ROM multicouche tel que l'expose IBM s'applique non seulement aux média à simple lecture mais également aux disques de type WORM. Comme le montre le schéma page 26, un disque optique double couche est constitué par l'assemblage de deux substrats dont les faces porteuses de microcuvettes et de pistes sont collées dos à dos. Ces faces sont séparées par un espace d'environ 400 microns pour qu'il ne se produise pas d'interférences lors de la lecture. Elles ne portent pas de couche réflective pour que le faisceau du laser puisse traverser une couche pour lire l'autre. Pour lire consécutivement l'une ou l'autre des couches, le laser est refocalisé avec précision par un servomécanisme, ce qui en théorie ne pose pas vraiment de problèmes. Cependant, l'absence de couche métallique se traduit par une faible réflexivité des matériaux qu'il faut compenser. Les chercheurs d'IBM ont exploré deux voies. La première consiste à utiliser un laser plus puissant afin d'obtenir en retour un faisceau de bonne lisibilité. La seconde suppose une amplification (X15) du signal de retour transformé en modulations par les photodiodes. Cette seconde voie demande l'installation de circuits électroniques supplémentaires dans le lecteur mais reste moins onéreuse que celle demandant un laser plus puissant. Pour exploiter des disques optiques multicouches sur un lecteur de CD-ROM, il est nécessaire d'ajouter de nouvelles commandes SCSI et de remanier les microcodes. A cela s'ajoutent des corrections d'aberration. Tous ces aspects ont été étudiés chez IBM qui propose sa technologie à l'industrie sous forme de licence.

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Prototype de lecteur de CD-ROM multicouches
développé par IBM - Photo: © F.P.


Les tests réalisés à Almaden ont démontré la faisabilité d'un disque de type CD-ROM fait de six couches et offrant une capacité de 3,6 giga-octets. Dans ce cas, c'est un laser d'une puissance de trois milliwatts et d'une longueur d'onde de 647 nm qui lit les informations. Cette structure optique est faite de l'empilement de quatre plateaux (substrats de faible épaisseur) séparés entre eux par une lame d'air de 0,4 mm. Les deux substrats intermédiaires se trouvant en sandwich ont été réalisés par la technique dite 2P (Photopolymérisation), ce qui a permis d'obtenir des microcuvettes de part et d'autre.

IBM a testé son concept de disque ML sur des media de deux et quatre couches. Après avoir procédé à des expérimentations mettant en uvre des couches sensibles à base de tellure, les ingénieurs se sont orientés vers les polymères qui ont donné un résultat qualitatif supérieur. Le schéma ci-contre montre la structure adoptée pour un disque double couche. Dans sa conception, celui-ci ne diffère guère d'un DON de ce type, si ce n'est que l'espace qui sépare les deux couches ne doit pas excéder 400 à 500 microns.

En effet, le laser doit pouvoir se focaliser d'une couche à l'autre sans retournement du disque comme c'est le cas actuellement. Les ingénieurs d'IBM ont également testé le disque optique WORM avec succès en laboratoire dans une configuration à quatre couches, ce qui laisse augurer de vastes possibilités pour cette technologie. Reste que la fabrication des disques multicouches au delà de deux structures d'enregistrement remet en question les méthodes et les chaînes de production en fonctionnement actuellement. IBM est consciente des développements à mener pour cette industrialisation et se propose, si elle trouve un partenaire industriel, de mettre au point une méthode de fabrication. Elle ne semble pas encore avoir trouvé ce partenaire puisqu'elle n'a pas annoncé officiellement d'accord de ce type.

Le disque optique multicouche suscite beaucoup d'enthousiasme. M. Edward M. Engler - directeur de programme au sein de l'Optical Storage Laboratory (OSL) d'IBM - se plaît à rêver d'un disque optique multicouche d'une capacité de trente giga-octets et de tout ce qu'on pourrait en faire dans le stockage de masse et la diffusion d'informations.

Pour sa part, M. Wilfried Lenth, responsable de l'ensemble des recherches sur les disques et les mémoires optiques au centre Almaden d'IBM, estime qu'il sera possible de combiner plusieurs nouvelles technologies entre elles - comme le disque multicouche avec la haute densité à l'aide d'un laser émettant dans une courte longueur d'onde - mais que les produits du commerce ne sont pas pour demain. Les chercheurs testent les modèles théoriques mais n'ont encore rien à communiquer sur le sujet. Ce n'est après tout qu'une des voies possibles vers les disques optiques numériques de demain et, en attendant, IBM continue avec pragmatisme à travailler sur les prochaines générations de DON 3,5 et 5,25 pouces. Elle suit les évolutions qui ont lieu au sein des comités ISO prévoyant de passer de 230 à 650 méga-octets pour le disque magnéto-optique 3,5 pouces et de 1,3 à 2,6 giga-octets pour le DON 5,25 pouces.

Francis Pelletier - © copyright mosarca 1995 - Tous droits réservés.

Cet article a été publié dans le magazine MOS 130 1995


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